Pourquoi cartographier la Lune ?

Objet de fascination et de croyance, observée depuis des milliers d’années, la Lune est présente sous de multiples formes dans toutes les cultures. Chaque mythe a projeté dans les taches imprécises de notre satellite des formes familières : visages, animaux, végétaux, objets1.

Toutefois, si quelques traces préhistoriques partiellement déchiffrables de représentations lunaires existent, aucune cartographie antique ni médiévale de la Lune n’est parvenue jusqu’à nous2.

La connaissance de l’astre était pourtant capitale. Ses phases, ses éclipses marquaient le temps, structuraient la vie sociale et religieuse.

Aux IIIe et IIe siècles avant Jésus-Christ, Aristarque de Samos et Hipparque, astronomes et mathématiciens grecs, déterminent la distance séparant la terre de la Lune3.

Au Ier siècle après Jésus-Christ, Ptolémée, puis, au IXe siècle, Abu Abdullah Al-Battani (858-929) déterminent l’orbite de l’astre4.

Observations et calculs se multiplient à la suite de ces auteurs, mais ce n’est qu’à l’aube de la Renaissance que la surface de la Lune semble faire l’objet d’une approche topographique et cartographique précise.

Jacques Lieutaud, La Connoissance des temps pour l'année 1702, 1702.

La détermination précise des longitudes va accélérer la naissance de la cartographie lunaire. En effet, jusqu’au XVIIe siècle, le calcul des longitudes demeure complexe et incertain, rendant la navigation difficile. Nombreux sont les navires qui se perdent ou font naufrage en raison d’un cap imprécis. A la fin des années 1620, un jeune astronome et cartographe hollandais du nom de Michael van Langren (1598-1675) propose une solution : en relevant en divers endroits le moment précis de l’apparition des reliefs lunaires éclairés par la lumière du Soleil, il serait possible de déterminer les écarts de temps entre ces relevés et ainsi les différentes longitudes. 

Pierre Charles Le Monnier, Astronomie nautique lunaire, 1771.

La cartographie de la Lune devient alors un enjeu politique et économique majeur, notamment pour les puissances maritimes comme l’Espagne ou l’Angleterre5. De plus, la conquête de la Lune par la cartographie offre une occasion inédite aux astronomes et à leurs mécènes de voir leur nom inscrit pour l’éternité dans une topographie que tous les hommes contemplent.

 

 

 

 

1. Ewen A. Whitaker, Mapping and Naming the Moon, Cambridge : Cambridge University Press, 1999, p. 10-12.

2. David Whitehouse, Charles Frankel, Lune : la biographie autorisée, Paris : Dunod, 2008, p. 5-13.

3. Zdeněk Kopal, Mapping of the Moon : Past and present, Dordrecht : D. Reidel, 1974, p. 1-5.

4. Whitehouse, op. cit., p. 53

5. Ibid., p. 75.