La campagne photographique de l'Observatoire de Paris
Dans son discours adressé à l’Académie en août 1839, François Arago (1786-1853) exprime son admiration devant le procédé mis au point par Louis Daguerre pour fixer définitivement les images sur un support. Dans ce même discours, Arago insiste sur l’intérêt de cette invention qui permettra selon lui d’obtenir des images précises des astres, à commencer par la Lune.
Arago, Rapport sur le daguerréotype, 1859.
Dès sa naissance, la photographie est ainsi associée à l’astronomie. Cette technique transforme radicalement l’approche de la sélénographie. Aux longues heures de minutieuses et patientes observations, aux fastidieux relevés, aux laborieux travaux de transcription graphique, succèdent de nouvelles méthodes qui nécessitent de nouveaux outils.
La première image de la Lune, un daguerréotype, est obtenue aux États-Unis par John William Draper (1811-1882) en 1840. C’est une image de piètre qualité, pour le moment inexploitable dans le cadre d’une entreprise de cartographie. Dans les années 1860, Lewis Morris Rutherfurd (1816-1892) parvient à des résultats plus significatifs. Ses photographies sont exploitables et révèlent déjà un certain nombre de détails du relief lunaire avec une grande finesse.
Trente ans plus tard, le 9 juillet 1894, Maurice Loewy, alors directeur de l’Observatoire de Paris et Pierre Puiseux (1855-1928) présentent un ambitieux projet à l’Académie des sciences : la création d’un grand atlas photographique complet de la Lune.
Fruit de cinq cents soirées d’observations et de six mille clichés, l’Atlas photographique de la Lune est publié en douze fascicules entre 1896 et 1910 par l’Imprimerie nationale. Les conditions optimales pour la prise de vue étaient nombreuses et rarement réunies : la Lune devait avoir une hauteur assez importante pour que les clichés ne comportent pas de défauts liés aux perturbations atmosphériques, le vent pouvait dérégler les instruments et interdisait donc les prises de vues, le mouvement de la Lune devait être suivi avec précision pour éviter tout problème de netteté lié au temps de pose, les solutions photosensibles et les bains de développement devaient sans cesse être adaptés.
Afin de réaliser ce projet dans les meilleures conditions, Maurice Loewy utilise le « grand équatorial coudé » de l’Observatoire de Paris. Avec une longueur focale de 18 mètres, muni d’une chambre photographique et de miroirs de qualité réalisés par les frères Henry, doté d’une mécanique complexe permettant de compenser le mouvement de rotation de la Terre, le grand équatorial coudé est un instrument révolutionnaire lors de son inauguration en 1891.
Les photographies obtenues sur plaque de verre sont agrandies puis tirées en plusieurs exemplaires grâce au procédé de l’héliogravure qui permet d’obtenir des images d’une grande netteté.
Avec un grossissement de 2000, la précision de cet atlas fait forte impression sur le public de l’Exposition universelle de 1900. On admire les détails de nouveaux cratères jusqu’alors invisibles et l’on découvre un nouveau paysage resté inaccessible pendant des siècles.
L’œuvre de Loewy et Puiseux connaîtra un succès durable jusqu’à l’ère des premières sondes spatiales. Dans les années 1960, il fait encore autorité dans le contexte de la conquête de l’espace.