Lunettes et télescopes
Avant d’être scrutée dans ses moindre détails au travers d’instruments toujours plus perfectionnés, la Lune a longtemps été observée à l’œil nu. Un dessin du Codex Atlanticus de Léonard de Vinci (1452-1519), conservé à la bibliothèque Ambrosienne de Milan, montre une première esquisse de la Lune, encore imprécise. Difficile de connaître les conditions exactes d’observation qui sont à l’origine de cette représentation et l’on ignore si Léonard a pu bénéficier d’une première assistance optique.
Leonard de Vinci, Codice Atlantico, "La Lune" (f. 674v), 1513-1514. Crédits : Biblioteca Ambrosiana.
C’est en août 1609 qu’a lieu la première observation connue de la Lune à la lunette astronomique. Ce n’est pas à Galilée (1564-1642) que revient le mérite de cette première expérience, mais à l’astronome, mathématicien et cartographe anglais Thomas Harriot (1560-1621). Bénéficiant de l’un des premiers modèles de lunette, Harriot précise davantage les contours des reliefs lunaires et met en évidence la topographie accidentée de son terminateur (limite entre la zone éclairée de l’astre et la zone qui demeure dans l’ombre)1.
Thomas Harriot, Dessins d'observation de la Lune, 1609-1611. Crédits : The Egremont Collection.
La paternité de cette nouvelle invention a rapidement suscité jalousies et convoitises. Bien que les découvertes dans le domaine de l’optique et notamment des lentilles aient été particulièrement nombreuses à la fin du XVIe siècle, l’on attribue souvent la création des premières lunettes astronomiques à deux opticiens rivaux : Zacharias Janssen (v. 1588- v. 1635) et Hans Lippershey (1570-1619), tous deux hollandais.
Lippershey développe dans son atelier un système simple : l’oculaire est constitué d’une lentille concave, épaisse sur ses bords et fine en son centre. A l’extrémité opposée de l’oculaire se trouve une lentille convexe, à l’inverse plus épaisse en son centre et fine sur ses bords. L’association de ces deux lentilles permet d’obtenir une image agrandie et plus lumineuse2.
C’est en adaptant un tel instrument que, quatre mois après Harriot, en novembre 1609, Galilée observe la Lune et dessine certains de ses reliefs. Ses observations font l’objet d’une publication en 1610. C’est le célèbre Sidereus nuncius ou Messager des étoiles qui rencontre dès sa diffusion un succès certain et fait connaître le nom de Galilée dans toute l’Europe.
Par la suite, d’autres inventions voient le jour, qui permettent des observations toujours plus précises. L’augmentation croissante de la longueur focale offre des images de plus grande qualité mais rend difficile la manipulation d’instruments toujours plus grands. Ainsi, la « machine céleste » de Johannes Hevelius (1611-1687) installée à Gdańsk (Dantzig) atteint les 46 mètres de long.
À l’Observatoire royal de Paris, Jean-Dominique Cassini (1625-1712) met au point les lunettes sans tuyau qui permettent d’agrandir davantage la longueur focale. C’est grâce à cette technique que Cassini observe Saturne et découvre à la suite de Huygens ses satellites (Japet, Rhéa, Thétis et Dioné), améliore la connaissance de la rotation des planètes et entreprend de cartographier la Lune.
La tour de Marly pouvait accueillir les différents objectifs des lunettes "sans tuyaux". Jacques Cassini, Theses mathematicae de optica…, 1691.
Après le temps des lunettes vient celui des télescopes, notamment grâce aux recherches d’Isaac Newton (1642-1727). Le fonctionnement du télescope diffère de celui de la lunette. L’ajout d’un miroir au sein du dispositif d’observation permet d’obtenir des images plus nettes en focalisant les rayons lumineux sur un point unique.
A la fin des années 1660, Adrien Auzout (1622-1691) et Jean Picard (1620-1682) mettent au point un micromètre qui, associé aux lunettes, permet la mesure précise de la taille des objets observés et de la distance qui les sépare3. C’est le perfectionnement de cet outil qui permettra aux astronomes allemands Tobias Mayer (1723-1762), Johann Hieronymus Schröter (1745-1816) et Wilhelm Gotthelf Lohrmann (1796-1840) de proposer des cartes toujours plus précises de la Lune aux XVIIIe et XIXe siècles.
Jacques Canivet, Micromètre, 1761.
Dans le cadre de cette quête de précision, signalons l’usage par J. H. Schröter (1745-1816) d’un système permettant le report en direct du dessin des observations à l’aide d’un quadrillage visible dans l’objectif et imprimé sur le papier servant à exécuter le dessin4. Cette invention n’a toutefois pas évité à Schröter un certain nombre d’erreurs de proportion.
Le télescope moderne prend sa forme définitive grâce aux travaux de Léon Foucault qui remplace les miroirs de bronze, à l’oxydation rapide et au pouvoir réfléchissant limité, par des miroirs de verre argenté. L’Observatoire de Paris conserve l’un des premiers modèles de ces télescopes, utilisé notamment pour les premiers essais de prise de vue photographique de la Lune par Charles Wolf (1827-1918) et Georges Rayet (1839-1906) en 1865.
Léon Foucault et Marc Secrétan, Télescope de Foucault, 1856.
En 1891, à l’initiative de Maurice Loewy (1833-1907), l’installation du « grand équatorial coudé » permet de nouvelles observations encore plus précises et offre notamment à l’Observatoire de Paris la possibilité de mener une grande campagne de prises de vues photographiques de la Lune .
Le XXe siècle naissant sera celui de grands télescopes, permettant des observations toujours plus fines du ciel profond et une connaissance étendue de la Lune par le recueil de données concernant sa géologie.
1. Whitaker, op. cit., p. 17.
2. Richard Learner, Fenêtres sur l'univers : l'histoire des instruments de l'astronomie, Paris : Denoël, 1984, p. 9-11.
3. Richard Panek, Seeing and believing : the story of the telescope, or how we found our place in the universe, London : Fourth Estate, 2000, p. 79-80.
4. Whitaker, op. cit., p. 98.