Une vie entre deux méridiens

 

Né « le 4 avril 1688, à 6 heures ½ du matin, en un endroit de Paris dont la latitude est de 48°50'50'' » [1], Delisle « le cadet » ou « le jeune » est le neuvième des douze enfants de l’historien Claude Delisle et de Nicole-Charlotte Millet de la Croyère. [2] Pendant son année de rhétorique au Collège Mazarin, il assiste à l’éclipse de Soleil du 12 mars 1706, et se découvre un penchant pour l’astronomie. Jacques Lieutaud lui donne ses premières leçons, après quoi il commence à fréquenter à l’Observatoire de Paris Jacques Cassini, qui sera son second maître. Celui-ci l’autorise, en 1709, à copier les tables du Soleil et de la Lune auxquelles il travaille. Dès 1714, voilà Delisle reçu à l’Académie, en tant qu’élève de Maraldi. Il ne cessera de contribuer aux Mémoires de cette institution. Depuis le dôme du palais du Luxembourg, il inaugure, à l’occasion de l’éclipse de Lune du 23 janvier 1712, la série d’observations qu’il poursuivra avec constance tout au long de sa carrière.

Remarqué par Pierre le Grand de visite en France en 1717, Delisle reçoit en 1721 une invitation à se rendre à Saint-Pétersbourg pour y établir un observatoire. L’astronome accepte avec enthousiasme, mais le tsar le laisse à peu près sans nouvelles pendant trois ans, et s’éteint en février 1725. Catherine Ie ayant toutefois aussitôt renouvelé la proposition de son époux, Delisle peut enfin se mettre en route, accompagné de Madeleine Ledanois, sa femme, de son frère Louis de l’Isle de la Croyère (également astronome) et d'un facteur d'instruments d'observation nommé Vignon. Le contrat signé avec l'ambassadeur de la tsarine à Paris prévoit une durée minimale de quatre années ; le séjour se prolongera en fait sur vingt-et-un ans, au cours desquels Delisle ajoutera à ses fonctions d’astronome et de professeur celles de principal auteur d’une carte générale de l’empire de Russie.

 

Carte générale de la Géorgie et de l'Arménie, dessinée par Delisle en 1738 "d'après les cartes, mémoires, mesures et observations des gens du pays", et publiée en 1766 (Gallica)
 
 
Objets vus de l’observatoire de Saint-Pétersbourg

quelques bâtiments croqués par Delisle depuis l'observatoire de Saint-Pétersbourg

 

Rentré à Paris en 1747, il fait installer un observatoire dans la tour de l'hôtel de Cluny (actuel musée du Moyen-Âge). Il disparaît le 11 septembre 1768. Ses élèves les plus célèbres ont pour nom Jean-Paul Grandjean de Fouchy, Louis Godin, Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande et Charles Messier, sans oublier tous ceux qu’il forme à Saint-Pétersbourg. [3] Un mons et un cratère lunaires, un astéroïde aussi, portent son nom.

 


[1] Histoire abrégée de ma vie, cité par Jean Marchand, « Le départ en mission de l’astronome J.-N. Delisle pour la Russie », Revue d’histoire diplomatique, n°43 (1929), p. 373 - 396.

[2] Le surnom « Delisle l’aîné » désigne son frère Guillaume, géographe important.

[3] L’historienne soviétique Nina I. Nevskaja recense, parmi les membres de l’Académie des Sciences de Pétersbourg sur lesquels « il exerça une grande influence », les chercheurs suivants : « M. V. Lomonossov (1711-1765), L. Euler (1707-1783), Daniel Bernoulli (1700-1782), G. W. Richmann (1711-1753), G. W. Krafft (1701-1769), A. D. Krassilnikov (1705-1773), N. I. Popov (1720- 1782), N. G. Kourganov (1726-1796) et G. Heinsius (1709-1769). » Cf. Nina I. Nevskaja. « Joseph-Nicolas Delisle (1688-1768) », Revue d'histoire des sciences, Vol. 26, No. 4 (octobre 1973), Paris : Armand Colin, p. 289-313.