De la prévision à la prédiction : astrologie naturelle et astrologie judiciaire
On distingue deux branches principales en astrologie, d’une part l’astrologie naturelle, de l’autre l’astrologie judiciaire ou généthliaque.
La première, plus ancienne, découle d’une observation du ciel qui a conduit à remarquer que certains phénomènes terrestres se produisaient en même temps que certaines configurations célestes. Ainsi, dans l’Égypte antique, les crues du Nil coïncidaient avec le lever héliaque de l’étoile Sirius. Les astrologues font de ces corrélations une preuve de l’influence des astres sur la Terre, établissant des liens de causalité inexistants : ce n’est pas la présence dans le Soleil dans le Cancer qui amène l’été dans l’hémisphère nord, mais la proximité de notre planète avec cet astre à ce moment de sa révolution annuelle.
Certains vont plus loin en affirmant l’existence d’une influence astrale sur les êtres humains, ce qui conduit à la pratique de l’astrologie judiciaire. Développée par les Grecs, enrichie par les Arabes, l’astrologie judiciaire consiste en la création de thèmes de naissance qui déterminent le caractère, et parfois même le destin, des individus.
Au Moyen Âge, l’établissement de ces horoscopes est la raison principale de l’observation du ciel nocturne, la constitution du cosmos ayant été définie par les Pères de l’Église qui ont mêlé textes sacrés, physique d’Aristote et système de Ptolémée.
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Connaissance des temps, M. Lieutaud de l'Académie Royale des Sciences, 1728, 21736[I] (Source Gallica / Observatoire de Paris)
Bien qu’établie dès sa création en 1679 comme un document à destination des savants, la Connaissance des temps a pendant plusieurs siècles été utilisée par les astrologues en raison de ses tables précises de la position des astres. En outre, à l'exception des conjonctions et oppositions qui peuvent permettre de prévoir des éclipses, les autres aspects planétaires ne sont utiles qu'aux astrologues.
Notice biographique de Johannes Kepler, Joseph-Nicolas Delisle, première moitié du XVIIIe siècle, A1/5, n°6, 58
Johannes Kepler (1571-1630), astronome allemand notamment réputé pour avoir théorisé la trajectoire elliptique des planètes autour du Soleil, était également un astrologue convaincu. Partisan d’une réforme de l’astrologie, il aurait souhaité en faire une véritable science en la détachant des doctrines des Anciens et en l’appuyant sur des principes physiques. Ses horoscopes, ainsi que ses traités sur le sujet, connaissent à l’époque un grand succès.
![KEPLER [Johannes] (titre forgé)](https://bibnum.obspm.fr/files/fullsize/694abab6b128b9d8ad468d166a206be2.jpg "KEPLER [Johannes] (titre forgé)")
Portrait de Johannes Kepler, Anonyme, 1652-1669, Inv.I.327
Contrairement à la plupart des astronomes de son temps, Kepler est en faveur d’un rapprochement de l’astronomie et de l’astrologie, qu’il qualifie de « mère et fille ». Il critique en revanche l’astronomie « populaire » qu’il ne trouve pas assez rigoureuse.
Tableau astro-météorologique, Summa astrologicae judicalis de accidentibus mundi, Johannes Eschuid, 1489, 1110 [Consulter l'ouvrage sur Gallica]
Ce long tableau présente l’influence des planètes sur le climat et la météorologie en fonction de leur positionnement dans le zodiaque. Branche de l’astrologie naturelle, l’astro-météorologie connaît en effet un certain succès en raison de son utilité pour la détermination du calendrier agricole. Kepler en particulier en soulignait l’aspect scientifique.
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Schéma du découpage des maisons astrales, Astrolabium, Franz Ritter, 1613, 20451 [Consulter les illustrations sur Wikimedia]
Essentielles en astrologie judiciaire car elles symbolisent des parties de la vie humaine, les maisons astrales sont issues d’un calcul complexe basé sur l’heure et l’horizon du lieu de naissance. Le ciel est ainsi divisé en douze maisons astrales, dont la taille peut varier en fonction de la domification* utilisée et dont la première est appelée Ascendant. Cette division basée sur la rotation de la Terre en une journée permet d’affiner la description du ciel du natif puisque si les planètes peuvent mettre plusieurs années à traverser un signe zodiacal, elles ne mettront jamais plus de deux heures à traverser une maison. Les astrologues parviennent ainsi à contrer un argument qui leur est souvent opposé quant à la similitude des horoscopes de naissance : tenir compte du système des maisons permet de grandement diminuer la possibilité d’avoir deux horoscopes identiques.
Notes sur l'astrologie, Jean-Baptiste Joseph Delambre, premier quart du XIXe siècle, Z309
Delambre explique ici tous les calculs nécessaires au découpage des maisons et souligne ainsi un certain aspect trigonométrique de l’astrologie. On distingue ici un schéma du découpage de la sphère céleste et un horoscope médiéval.
Horoscope de naissance du Christ, Astrologia Gallica, Jean-Baptiste Morin, 1661, 1089
Horoscope de naissance de Louis XIV, Astrologia Gallica, Jean-Baptiste Morin, 1661, 1089
Horoscope de Juliana Renate, deuxième fille de Johannes Hevelius, Ismaël Boulliau, 1670, C1/9-111
Horoscope dressé par Kepler en 1608, in Astronomie populaire, Camille Flammarion, 1880, 8871 [Consulter l'ouvrage sur Gallica]
Parmi les outils auxquels les astrologues ont recours pour prouver la fiabilité de leurs prédictions se trouvent les horoscopes de référence. Dressés a posteriori pour des personnages célèbres tels que des rois, des reines ou des empereurs romains, certains sont consacrés à des figures bibliques, à des prophètes et même, comme on peut le voir ici, au Christ. Cet horoscope permet également de montrer que l’astrologie n’est pas incompatible avec la foi chrétienne, même s’il n’est pas toujours bien vu par l’Église.