La question des astres errants
Dans leur observation du ciel, les Anciens distinguent assez rapidement les « étoiles fixes » des « astres errants ». Trop éloignées pour que leur parallaxe soit facilement observable, les premières sont considérées comme se mouvant de concert, immobiles les unes par rapport aux autres, tandis que l’on voit les seconds se déplacer à l’œil nu dans le ciel nocturne. Les trajectoires des sept planètes* deviennent donc un objet d’étude pour les astronomes tandis que la nature de ces astres et leur position dans le ciel acquièrent une riche symbolique pour les astrologues.
En effet, ces derniers attribuent aux luminaires – Lune et Soleil –, ainsi qu’aux cinq planètes visibles à l’œil nu – Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne – des propriétés capables d’induire des caractères et d’influencer les destinées humaines. Celles-ci sont combinées à la position des planètes dans les douze maisons et dans le zodiaque, leur trajectoire étant comprise dans une bande d’environ 17° de part et d’autre de la ligne écliptique*.
Tout comme la précession des équinoxes* bouleverse le firmament des astrologues, ceux-ci ont du mal à s’accommoder d’une connaissance du ciel toujours plus fine. Ils entérinent ainsi les découvertes d’Uranus, Neptune et Pluton, respectivement en 1781, 1846 et 1930, en ajoutant ces planètes à leur liste, mais ils s’avèrent rapidement dépassés par les avancées de la science. Que faire en effet des objets célestes de taille importante découverts depuis, ou même de Pluton, reclassée au rang de planète naine en 2006 ?
☉ ☽ ♂ ☿ ♃ ♀ ♄
Planétaire ou machine uranographique, J. Vully de Caudole, 1830, Inv.167
Acquis par Charles X pour l’instruction de son petit-fils le duc de Bordeaux, ce planétaire mobile présente les astres à l’échelle, entourés de leurs satellites. Son socle est orné des signes du zodiaque.
Planétaire, The construction and principal uses of mathematical instruments, Nicolas Bion, 1758, 1 (Source Gallica / Observatoire de Paris) [Consulter l'ouvrage sur Internet Archive]
Dans ce modèle de planétaire, le socle arborant des signes du zodiaque semble plus important que les astres eux-mêmes, de très petite taille.
Pour les astrologues, les aspects planétaires* ont une importance capitale dans la conception des horoscopes car l’influence d’un astre est conditionnée par ceux avec lesquels il est en lien. Le schéma ci-contre montre les principaux aspects considérés par les astrologues : conjonction, opposition, trigone, quadrature et sextile.
Sphaera mundi, Gérard de Sabbionetta et Johannes de Sacro Bosco, 1478, 21286
Jusqu’à la fin du XVIe siècle, la vision du cosmos est encore basée sur la physique d’Aristote et le système de Ptolémée. On voit ici les quatre cercles de la matière – terre, eau, air et feu – qui composent le monde sublunaire, puis les sphères d’éther qui supportent les autres astres dans leur ordre supposé de proximité avec la Terre : Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne, sphère des étoiles fixes et enfin la sphère extérieure, mobile, réputée entraîner dans son mouvement tout le reste du système.
En astrologie, les planètes sont réputées avoir plus ou moins d’influence selon leur emplacement dans le zodiaque. Certains signes sont supposés exalter leurs effets, tandis que d’autres les affaiblissent voire les pervertissent. On appelle « dignités » ces positions relatives et le tableau ci-contre les présentent. Dans son emplacement le plus favorable, l’astre est dit « à domicile », tandis qu’à l’inverse il est dit « en exil ».
De mundi sphaera, Oronce Fine et Antoine Mizauld, 1555, 1657(2) (Source Gallica / Observatoire de Paris) [Consulter l'édition française de 1552-1553 sur Gallica]
En plus d’une gravure représentant les sphères célestes, l’ouvrage indique dans ce tableau les propriétés des planètes, si elles sont considérées comme maléfiques ou bénéfiques et leur association aux métaux, astrologie et alchimie étant à l’époque très liées. Ainsi, par exemple, le Soleil est dit chaud et sec, bénéfique, et est associé à l’or.
Vénus, Mercure, Jupiter et Saturne, Fabularum liber, Caius Julius Hyginus (auteur) et Jacobus Micyllus (éditeur scientifique), 1535, 1058(2)
Astronomes comme astrologues ont conscience que les astres errants sont de grands objets célestes inanimés, mais il n’est pas rare de trouver dans les livres des représentations humaines des planètes, dotées des caractéristiques qui sont associées à leur influence. Ici, Vénus apparaît sous les traits de la déesse de l’Amour, accompagnée de Cupidon, sur un char tiré par des colombes et dont les roues figurent Taureau et Balance, signes zodiacaux dans lesquels la planète est dite à domicile.
Table des mouvements de la Lune, Calendarium Romanum magnum, Johann Stöffler, 1518, 1097(1)
Tout comme le Soleil, la Lune tient une place particulière en astrologie. Astre changeant associé au cycle des marées, elle apparaît comme l’un des exemples les plus incontestables de l’influence des astres sur la Terre. Elle est réputée avoir tout autant d’influence sur les destinées humaines, raison pour laquelle les tables indiquant sa position sont particulièrement utilisées.
Nécessaire à dessin, Erasmus Habermel, fin du XVIe siècle, Inv.17
Objet précieux en bronze doré et en argent, ce nécessaire renferme tout ce dont l’astronome a besoin pour dessiner – équerre, règle, compas, crayon, etc. – tout en présentant sur ses différentes faces des outils utiles aux calculs qu’il peut être amené à effectuer. Table et règle graduée permettent ici de déterminer la position des planètes.
L’amélioration technique des instruments d’observation du ciel permet d’avoir des représentations de plus en plus précise de la Lune. Cette gravure précède d’un demi-siècle la célèbre carte de Cassini qui fera autorité jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Médaille commémorative pour la mort de Le Verrier, Alphée Dubois, 1884, Inv.N°47
Cette médaille présente au recto un portrait d’Urbain Le Verrier, directeur de l’Observatoire de Paris dans la seconde moitié du XIXe siècle, et au verso « son » système solaire. On y voit Neptune, découverte par Le Verrier en 1846, ainsi que Vulcain, une planète hypothétique qu’il place entre le Soleil et Mercure pour expliquer des anomalies dans l’orbite de cette dernière.
Médaille commémorant le centenaire de la découverte de Neptune, Georges Guiraud, 1946, Inv.N°93
Découverte par Le Verrier en 1846, Neptune est la dernière planète de notre système solaire. Elle est ici représentée de manière allégorique, par un trident symbole du dieu dont elle porte le nom placé devant le signe astrologique du Capricorne et un ciel étoilé.
À mi-chemin entre la représentation scientifique et artistique, ces pastels de Trouvelot font partie des collections les plus précieuses de la Bibliothèque.
La Bibliothèque de l’Observatoire possède un fond très riche de plaques de verre photographiques aux provenances diverses, dont celle-ci prise avec le télescope d’un mètre de Meudon. On y voit l’une des premières représentations de Pluton alors que l’astre vient à peine d’être découvert. Cette nouvelle planète, devenue planète naine en 2006 mais toujours prise en compte par les astrologues, est pour les astronomes l’exemple parfait de l’absence de crédibilité de l’astrologie et de son refus de reconnaître la réalité du ciel.