Débat autour des instruments

L’utilisation par Picard de nouveaux instruments fait débat. Ses lettres échangées avec l’astronome polonais Hevelius en sont un bon exemple. En 1673, Hevelius réserve à Picard un des quatorze exemplaires de la première partie de sa grandiose Machinae coelestis[1]. Picard reçoit le sien en 1674[2] et, le 16 novembre 1674, écrit une longue lettre à Hevelius pour le remercier de l’envoi de son ouvrage. Mais la lettre renferme également un certain nombre de critiques sur les pratiques de son contemporain qui demeure fidèle aux alidades à pinnules sur les instruments utilisés pour les visées de corps célestes. Hevelius laisse la lettre de Picard sans réponse, déclarant dans sa lettre à Boulliau, le 20 mars 1675, ne pas vouloir entamer de polémique avec Picard.

Lettre d’Hevelius à Boulliau du 20 mars 1675 | Bibliothèque de l’Observatoire, C1/11-200

 

Grand octant ouvragé dans son abri avec couple d'observateurs

Grand octant[3]ouvragé dans son abri avec couple d'observateurs
Jan Heweliusz, Johannis Hevelii Machinae coelestis pars prior, 1673 | Bibliothèque de l’Observatoire, 17(1)

Parmi les instruments nécessaires à la réalisation de mesures de précisions, citons également le premier niveau de Picard et le pendule battant la seconde. Picard documente son travail en en donnant la description, le mode d’emploi et les principes de contrôle dans sa Mesure de la Terre.

Le premier niveau de Picard a été mis au point pour les opérations de mesure de la terre. Picard le modifie ensuite pour les nivellements opérés à Versailles.

Les niveaux de Picard
Jean Picard, Mesure de la Terre, 1671, quatrième planche, gravée par Sébastien Le Clerc | Gallica

Jean Picard propose de prendre comme étalon universel de mesure la longueur du pendule battant la seconde afin de remplacer les diverses toises en usage en France. Il entend par là un pendule dont la demi-période vaut une seconde. Toutefois, cette méthode manque d’universalité. En effet, la période du pendule, et donc la longueur du fil pour une période fixée, dépend de l'accélération de la pesanteur. Picard ne le sait pas encore mais cette accélération n'est pas constante sur Terre : elle dépend de plusieurs paramètres, dont la latitude et l'altitude. L'étalon n'est donc pas universel, il dépend de l'endroit où l'on se trouve. C'est principalement pour cette raison que le quart de méridien fut finalement choisi comme référence à la place du pendule.

Pendule battant la seconde (fac-similé reconstitué en 1984 d’après la description faite par Jean Picard dans la Mesure de la terre) | Bibliothèque de l'Observatoire de Paris, Inv. 375

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[1] Jan HEWELIUSZ, Johannis Hevelii Machinae coelestis pars prior... , 1673.

[2] Les exemplaires mettent plus d’un an à passer en France.

[3] Lorsque le quart-de-cercle ne peut pas être placé dans les constructions (tours et clochers), on utilise un octant qui est un cercle réduit.