La triangulation, ou comment calculer la valeur du rayon terrestre

Entre 1668 et 1784, l’Observatoire de Paris occupe une place prépondérante dans les opérations géodésiques pour la France. Ses quatre astronomes, Picard, Auzout, Huygens et Roberval, cherchent à déterminer la valeur du rayon terrestre, problème intéressant la géographie, la navigation et l’astronomie et qui figure au programme de l’Académie royale des sciences[1]. Ils sont présents pour la préparation et l’exécution des travaux, pour la conception et le contrôle des instruments ainsi que par la formation du personnel amené à y participer.

Après avoir présenté à l’Académie un grand quart-de-cercle avec lunette astronomique et réticule, l’Abbé Picard réalise la première mesure géodésique en France. Il mène, entre 1669 et 1670, une campagne de triangulation pour en déduire la valeur du rayon terrestre, élément essentiel de l’astronomie mais encore manquant à cette science.

 

Seconde planche préparatoire de la "Mesure de la Terre" représentant la triangulation entre Sourdon et Malvoisine

La triangulation entre Sourdon et Malvoisine

Jean Picard, Mesure de la Terre, 1671, seconde planche, gravée par Sébastien Le Clerc | Bibliothèque de l'Observatoire de Paris, 241(1-2)

La technique de la triangulation en cartographie

La triangulation, qui permet de mesurer de grandes distances avec précision, est étudiée par le hollandais Frisius (1508-1555) puis améliorée par Snellius (1580-1626). Cette technique permet, en partant d’une base définie, sur le terrain, d’obtenir les angles d’un triangle dont les sommets sont tous visibles les uns des autres et ainsi de déterminer la longueur des deux autres côtés. La longueur du premier triangle étant connue, un autre triangle ayant un côté commun avec le premier peut être calculé.

 

Sur le terrain, Picard commence par mesurer une base de 11 km[2] entre le moulin de Villejuif et le pavillon de Juvisy, puis il mesure treize triangles entre la ferme de Malvoisine, près de la Ferté-Alais et Sourdon, près d’Amiens. En déterminant la différence de leurs latitudes, il conclut qu’un degré de l’arc méridien (soit la distance qu’il faut parcourir le long d’un méridien pour que la latitude change d’un degré[3]) compte 57 060 toises, soit environ 111,3 kilomètres. La Terre étant considérée comme sphérique, il peut en déduire, pour la première fois avec précision, son rayon. Ces dimensions sont portées en 1684 à la connaissance d’Isaac Newton ; elles lui serviront dans ses travaux sur la gravitation universelle.

Sur la mesure faite en juillet 1756 de la base de M. Picard entre Villejuif et Juvisy, par Lacaille, (autographe signé)[4]| Bibliothèque de l'Observatoire de Paris, C 2/8

La Mesure de la terre de Picard

Picard décrit dans cet ouvrage de 1671 son matériel et expose son travail, qui forme la base de la géodésie et, notamment, de la cartographie du royaume.

Jean Picard, Mesure de la terre, 1671 | Gallica

Jean Picard, Mesure de la terre, 1671 | Gallica

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[1] OBSERVATOIRE DE PARIS (dir.), Jean Picard et la mesure de la Terre: astronomie et géodésie au 17e siècle Observatoire de Paris, [13-24 octobre 1982], Paris, s.n., 1982, p. 13.

[2] Picard utilise la toise, unité de mesure d’environ 6 pieds (1,949 m). En 1668, la « Nouvelle toise du Châtelet » (1,9490366 mètre) voulue par Colbert devient la mesure légale et obligatoire dans tout le royaume.

[3] Jean-Pierre MARTIN, Une histoire de la Méridienne: textes, enjeux, débats et passions autour du Méridien de Paris 1666-1827, Cherbourg, Isoète, 2000, p. 9.

[4] Lacaille vérifie la mesure faite par Picard et obtient 57 074 toises de longueur de méridien contre 57 060 toises pour Picard. Sa mesure est sous-estimée de 1/3 000, et celle de Picard de 4/3 000, ce qui est remarquable pour l’époque.

Géodésie et cartographie
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