Strasbourg : les essais et les soutiens

Prototype de "lunette électronique" Lallemand à l'observatoire de Strasbourg

Cette illustration est extraite d'un article de Pierre Rousseau de 1937 pour La Nature et présente le prototype d'André Lallemand sur sa paillasse de l'observatoire de Strasbourg

Confronté aux limitations des plaques photographiques dans ses premiers travaux, et inspiré par les développements des photocellules et de l’optique électronique en Allemagne, André Lallemand travaille sur le prototype d’une « lunette à électrons », selon les termes du journaliste scientifique Pierre Rousseau (1905-1983), dans un de ses premiers articles pour La Nature en 1937.

C’est sur la paillasse du laboratoire qu’à partir de 1934 ce dispositif est développé, mettant à profit les savoir-faire mis au point en collaboration avec le laboratoire de Pierre Weiss à l’Institut de Physique et l’Institut de Chimie où Rougier fait fabriquer ses cellules.

Il consiste en une photocathode circulaire au potassium de 8 cm de diamètre enfermée dans une ampoule de verre sous vide. Une couche d’argenture sert de lentille électrique ; une bobine plate entourant le tube de verre permet la focalisation de l’image sur un écran fluorescent ou une plaque photographique située à 35 cm de la photocathode. Les électrons sont accélérés par un champ électrique de plusieurs milliers de volts.

La mise au point de ce dispositif prend plusieurs années. André Danjon (1890-1967), nouveau directeur de l’observatoire de Strasbourg, laisse la possibilité à Lallemand de développer un projet coûteux en temps et douteux au niveau des résultats comme l’indique un témoignage de Paul Muller (1910-2000), alors collègue de l’observatoire de Strasbourg : « J’ai eu le privilège d’assister de ma place alors très modeste, à la naissance de la caméra électronique de Lallemand, dans une lutte patiente contre les obstacles accumulés où il eut besoin de tous ses talents d’expérimentateur, alliés à une rare ténacité. Danjon le soutint sans faiblir, alors que plus d’un directeur moins clairvoyant, cédant d’ailleurs à des avis contraires, l’eut bientôt détourné lui-même d’une entreprise où semblaient se gaspiller un temps et des dons également précieux(…). »

(Paul Muller, « André Danjon, souvenirs de 1930 à 1939 », Journal des astronomes français, n°2, Mars 1978)

 
Groupe d'astronomes à bord du transatlantique Lafayette en route pour l'Assemblée Générale de l'UAI à Cambridge, août 1932. (titre forgé)

Danjon pensif au milieu de ses collègues en route pour Cambridge (USA) en août 1932. Debout et de gauche à droite : Luc Picart, Raymond Jouaust, ?, André Danjon, Ernest Esclangon, Francisco Miranda Da Costa Lôbo. Assis, g à d : Gaston Fayet, Armand Lambert.

Danjon souligne par ailleurs le rôle d’accompagnement de Jean Perrin et de la Caisse Nationale de la Recherche Scientifique dans ce développement : « Lorsque Jean Perrin, qu’un projet audacieux conçu par un jeune physicien déjà réputé n’effrayait pas, accorda à André Lallemand les moyens de procéder à une première expérience, certains crièrent au scandale. Je parle ici en témoin des faits et des propos tenus. » Enfin, Louis de Broglie (1892-1987) visite Lallemand dans son laboratoire strasbourgeois et l’encourage. Cette rencontre marque vivement le physicien-astronome.

Les premiers clichés d’étoile artificielle sont réalisés et deux publications à l’Académie des sciences, présentées par Esclangon, signent l’introduction d’ « une voie nouvelle qui s’annonce féconde et de nature à accroître d’une manière très considérable les moyens de prospection céleste. » (Ernest Esclangon, 1936, Comptes rendus des séances hebdomadaires de l’Académie des sciences, vol. 205, p.991)