Paris : préparer une génération nouvelle
Au laboratoire de physique astronomique d’André Lallemand, de jeunes physiciens, astronomes et ingénieurs sont recrutés pour être formés. L’historien des sciences Dominique Pestre les désigne comme les « Jeunes Turcs » de la physique française.
Gérard Wlérick (1921-2010), engagé volontaire dans les Forces Françaises Libres (1940-1945), entre à l’Ecole Normale Supérieure à la Libération et y obtient son agrégation de sciences physiques en 1949. Il rejoint le laboratoire Lallemand comme attaché de recherche CNRS et y réalise le travail de sa thèse de doctorat en sciences physiques soutenue en 1954. Sa thèse principale porte « Sur les propriétés photoélectriques du sulfure de cadnium » et sa thèse secondaire sur « La couronne solaire ». Son jury est présidé par Danjon, Rocard est examinateur, Kastler et Lallemand en sont les rapporteurs. Après un séjour au High Altitude Observatory de Boulder (USA), Wlérick fait l’intégralité de sa carrière au service des caméras électroniques à l’Observatoire de Paris, où, de 1976 à 1986, il dirige le DOPTO, qui a succèdé au Laboratoire de physique astronomique à partir de 1971.
Un autre jeune normalien recruté en 1952 pour le laboratoire est Jean-Pierre Causse (1926-2018). Chercheur au laboratoire du professeur Lallemand à l’Observatoire de Paris entre 1952 et 1955, il devient physicien au centre de recherche de Schlumberger Ltd à Ridgefield (Etats-Unis) (1955-60), puis chef du département Photoélectricité qu’il fonde à l’Electro-Mechanical Research Inc. (filiale de Schlumberger Ltd) à Princeton (Etats-Unis) (1960-62). Schlumberger souhaite y exploiter les photomultiplicateurs du type Lalllemand qui intéressent le secteur spatial et nucléaire américain. A propos de ces photomultiplicateurs, Causse explique « ils gardaient alors l’essentiel des propriétés de Lallemand : ils étaient sensibles (…) et ils étaient surtout d’une solidité extraordinaire » (Interview de Jean-Pierre Causse par David Redon le 19 mars 2003, ESA History Project). Il revient en France où il rejoint le Centre national d'études spatiales (CNES) au sein duquel il assure la direction scientifique au milieu des années 70. Il dirige ensuite la recherche chez Saint-Gobain dans les années 80 puis occupe d’importantes fonctions politiques dans la gestion de la Recherche jusqu’au début des années 90 au sein de l’Etat.
Pierre Charvin (1931-1990) arrive au laboratoire de photo-électricité de la Marine en avril 1956. Il y travaille sur la mise au point de la fabrication de cellules PbS refroidies destinées au « Lynx ». En 1958, Danjon affecte Charvin à la mise au point du coronomètre monochromatique photoélectrique de Bernard Lyot à Meudon. Wlérick témoigne : « si pour de nombreux utilisateurs, un photomultiplicateur d’électrons est ce qu’on appelle une « boîte noire », pour Charvin un photomultiplicateur c’est de la Physique (…). Il devint ainsi un spécialiste des détecteurs et ceci devait se révéler un atout considérable dans les fonctions qu’il exerça par la suite pour la collectivité. » (Wlérick Gérard, 1990, « In Memoriam : Pierre Charvin, Président de l’Observatoire de Paris », Journal des astronomes français, n°38). En effet, Charvin entre à l’Institut National d’Astronomie et de Géophysique à sa création en 1967 et en est le directeur adjoint de 1972 à 1983. A ce titre, il accompagne l’installation des grands télescopes de l’Observatoire Européen Austral au Chili ou de la Société du Télescope Canada-France-Hawaï à Hawaï dont il influence le programme d’instrumentation. Il est Président de l’Observatoire de Paris de 1984 jusqu’à sa mort brutale en 1990.
Cette collaboration de recherche instrumentale avec l'armée dans les années d'après-guerre diffuse de nouvelles méthodes de gestion des projets techniques et scientifiques. Les jeunes chercheurs formés chez Lallemand brillent dans la gestion de grands projets internationaux pendant la seconde moitié du 20e siècle.