La Hire et la Méridienne de Paris

1re carte des Provinces de France traversées par la Méridienne de Paris Contenant les 14 derniers Triangles qui ont Servi à en déterminer la partie Septentrionalle Astronomiquement & Géométriquement, détail, BNF, Cartes et Plans, Rés. Ge CC 4923 (1) 

Second projet de l’Académie auquel La Hire participe, la Méridienne de Paris est tracée dans un but cartographique et géodésique. Cartographique, car la Méridienne contribue au maillage de triangulations du Royaume, permettant d’en établir une carte précise. Géodésique, car elle permet de matérialiser un degré de méridien terrestre. Elle doit traverser toute la France, de Dunkerque au pic du Canigou, en passant par le centre exact de l’Observatoire (l’axe de symétrie du bâtiment étant celui de la Méridienne).

A quoi sert la triangulation, en cartographie ? 

En considérant, sur un terrain plat, un triangle dont on mesure sur le sol la longueur d’un côté (qui sera appelé la “base”), et en mesurant avec un quart de cercle ses trois angles, on peut trouver les longueurs des autres côtés. On observe ensuite des points remarquables sur le terrain qui composent les sommets des triangles décrits le long d’un méridien, triangles dont on mesure les angles. On projette ensuite les côtés des triangles sur la Méridienne dont on a déterminé la position astronomiquement. Entre le point de départ et celui d’arrivée, on mesure astronomiquement la différence de latitude : on a ainsi la longueur de la Méridienne sur le terrain et l’angle terrestre qui lui correspond. Une technique qui a notamment permis à Picard de déterminer la longueur d’un degré terrestre, et donc la circonférence et le rayon de la Terre. 

Salle de la Méridienne, à L'observatoire de Paris

En pratique, ce travail n’a rien de simple. Il faut voyager sur des routes souvent mauvaises, transporter des instruments encombrants et lourds, se mettre en quête de sommets et de points de repères. L’utilisation des quarts-de-cercle mobiles éveille la curiosité des badauds, dont il faut parfois se prémunir[1].

EN 1683, Cassini part vers le sud, et La Hire vers le nord. Le but de La Hire est la partie Amiens - Dunkerque : en août et septembre, il part donc de nouveau en Flandres - Province qui ne lui avait pas donné, en 1681, les meilleures conditions d’observation[2]. Il s’emploie, à l’aide de « petits instruments », à faire une reconnaissance du terrain[3].

Mais le projet va connaître une histoire mouvementée. En septembre 1683, alors que La Hire atteint Béthune, Colbert (1619-1683) meurt ; Louvois (1641-1691), Surintendant des bâtiments du roi, le remplace comme protecteur de l’Académie, et le projet est abandonné pour celui du futur canal de Versailles. Il faut attendre 1700 pour que les travaux reprennent, mais pour un court instant seulement : les crédits sont arrêtés sitôt déclarée la guerre de succession d’Espagne, en 1701.

Lettre de Eisenschmidt à La Hire, Strasbourg le 4 octobre 1700

Dans cette lettre que Johann Caspar Eisenschmidt (1656-1712), écrit à La Hire, il mentionne le travail de la Méridienne, "dont le bruit s'est répandu jusqu'à nous". Eisenschmidt était l'un des correspondants de l'Académie des Sciences à Strasbourg. Lettre de Eisenschmidt à La Hire, Strasbourg le 4 octobre 1700, Bibliothèque de l'Observatoire de Paris B4/9 bis.

Lettre de La Hire à Cassini I, l'Observatoire le 23 octobre 1700

La Hire, à l'Observatoire, échange ses observations avec Cassini I, à l'Académie des sciences. Il est question des "triangles" utilisés pour la Méridienne. Lettre de La Hire à Cassini I, à l'Observatoire le 23 octobre 1700, Bibliothèque de l'Observatoire de Paris B4/11.

En 1718, l’équipe composée de Jacques Cassini (1677-1756, fils de Jean-Dominique Cassini), de Gabriel Philippe de La Hire (1677-1719, fils de Philippe de La Hire) et de Jacques Philippe Maraldi (1655-1729) termine le tracé de la Méridienne[4].

 

[1] Voir par exemple la lettre de La Hire à Cassini du 20 octobre 1682.

[2] Notamment à Dunkerque : La Hire se plaint souvent des “incommodités” qui rendent difficiles ses observations. Le mauvais temps, l’état général des routes, et même les badauds, sont invoqués. Voir celle, adressée à Cassini, du 20 octobre 1682, et celle, écrite en italien, du 26 octobre, peut-être plus libre que les autres, où il se plaint de la foule des ragazzi et des birbanti (des “jeunes gens” et des voyous).

[3] Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, 1720, p. 190-191.

[4] Jacques Blamont, « La mesure du temps et de l'espace au XVIIe siècle », Dix-septième siècle, vol. 213, no. 4, 2001, p. 579-611.